VII

 

   

 

Les écrans leur montrèrent d’abord la couche des nuages, d’une blancheur éblouissante, puis la surface, vaste et sombre, parcourue par les flots de l’océan qui s’étendait à perte de vue… Un choc sourd parcourut la salle, et ils comprirent que la pièce gigantesque s’était mise en mouvement.

Elle était en train de monter. Vers la surface.

Ils gardèrent leur regard fixé sur les écrans. Ils retenaient leur respiration devant le spectacle du nouveau Cataclysme qui se produisait devant leurs yeux.

Les océans refluaient.

Ce qu’ils comprirent être les Terres ré-émergèrent peu à peu, certaines ressemblant à de vastes pics irréguliers, d’autres crachant du métal en fusion. De vastes étendues planes couvertes de sable et de boue remplacèrent progressivement les étendues marines. Nei aperçut des navires échoués, peut-être ceux de sa tribu…

Et ils virent des Piliers, analogues au leur, surgir à leur tour du fond de la Terre, les uns après les autres, par dizaines.

Mais le Second Cataclysme ne s’arrêta pas là.

Le rideau des nuages se troubla d’abord, puis les Arches soudain le traversèrent de part en part, bouleversant la masse sombre et jusque là immuable. L’activité des vents se troubla, formant de gigantesques tourbillons aériens autour des Arches célestes. Les nuages se déchirèrent en volutes et leurs filaments s’étirèrent à l’infini…

Le spectacle était sublime.

Et soudain, la lumière revint éclairer la surface de la Terre, pour la première fois après des siècles de ténèbres. Et Nei vit ce qu’était le Soleil. Il poussa un long soupir d’émotion, mêlé de joie et d’angoisse. Il avait vu le bleu du ciel.

Les Arches se posèrent alors sur les Terres nouvellement émergées, trônant tels de fières cités de l’ère précédente.

Enfin, le dôme au-dessus d’eux se fendit. La lumière inonda la pièce, qui ne leur parut plus si grande, après le spectacle auquel ils venaient d’assister. Un air frais, parfumé des embruns de l’océan, raviva leurs narines.

Ils se levèrent et contemplèrent alors le monde qui s’offrait à eux, le cœur plein d’espoir pour la nouvelle ère qui s’offrait aux hommes.

   

         

 

 

Les échos, lointains, presque secrets, de celui qui avait tout imaginé se perdirent, peu à peu, comme un vague souvenir dans la mémoire humaine.
Noé…
Mais son héritage, lui, était toujours là. 

Il avait prévu le moment où les terres redeviendraient vivables. Il fallait attendre, simplement, et donner à la Terre le temps de récupérer de ses profondes blessures.
Il savait que lui ne reverrait plus le soleil, mais cette malédiction ne devrait pas toucher ses descendants…

Alors il créa le réseau des Piliers, ancrés dans les profondeurs, liés au Feu Intérieur de Magma et dispersés à travers toute sa surface, pour qu’un jour ré-émergent les continents. 
Il créa les Arches pour qu’elles s’envolent et mettent l’humanité à l’abri, mais elles non plus ne devaient pas rester éternellement dans les cieux. Il les avait créées pour qu’un jour elles reviennent sur terre, dissipant le voile des nuages qui avaient assombri les cieux.

Les ténèbres ne seraient pas éternelles...
Car il laissait derrière lui ses enfants,
En quête de lumière et condamnés à la Pénombre,
Et eux accompliraient son dessein.

Car un jour reviendrait la lumière
Pour que fleurisse son Verger
Le Verger de Noé.